La Wehrmacht a utilisé plus de 75 000 motos pour ses opérations, un chiffre qui dépasse largement celui de toutes les autres armées impliquées dans le conflit. L’armée britannique, quant à elle, a adopté des modèles civils adaptés à la hâte, défiant les normes établies de standardisation militaire.
Certaines de ces machines, conçues pour traverser des terrains impraticables ou pour supporter des conditions extrêmes, n’ont jamais été produites en masse. D’autres, issues de compromis techniques ou de décisions politiques, restent des symboles paradoxaux d’innovation et de pragmatisme.
Pourquoi la Seconde Guerre mondiale a marqué un tournant pour les motos militaires
Durant la Seconde Guerre mondiale, les motos militaires quittent leur statut d’appoint pour occuper un rôle de premier plan. Jusqu’alors, elles restaient en marge, héritières timides des usages du XXe siècle. Mais tout bascule en 1939 : la guerre se mécanise à une vitesse inédite. Rapidité et mobilité deviennent des piliers stratégiques. Les motos ne se contentent plus d’être de simples véhicules, elles s’imposent comme de véritables outils tactiques.
Face à des chars Sherman parfois bloqués dans la boue, ou à des Jeeps dépassées par les obstacles, la moto de l’armée trace sa route. Elle sert à tout : repérer l’ennemi, acheminer des ordres à la volée, déplacer du matériel avec agilité. Des modèles mythiques comme la BMW R75, la Zündapp KS 750 ou encore la M72 soviétique racontent cette montée en puissance. Les side-cars BMW et Zündapp, conçus pour avaler les terrains les plus hostiles, incarnent la quête d’efficacité totale.
Mais rien n’est figé. À mesure que les blindés se multiplient et que la Jeep s’affirme, la moto recule du devant de la scène. Pourtant, elle ne disparaît pas : dans l’Europe en ruines de l’après-guerre, ces engins robustes et faciles à réparer reprennent du service. Ils transportent tout : outils, vivres, parfois simplement des rêves de reconstruction.
Voici les usages clés qui ont marqué la période :
- Polyvalence tactique : missions de reconnaissance, liaisons rapides, transport d’équipement léger
- Adaptation industrielle : production à grande échelle, reproduction de modèles adverses (la M72 soviétique s’inspire directement de la BMW R71)
- Héritage : place centrale dans la réorganisation et la renaissance de l’Europe d’après-guerre
En définitive, la Seconde Guerre mondiale a transformé la moto militaire en symbole d’une modernité mécanique, capable de répondre à l’imprévu et de s’adapter à un monde en plein bouleversement.
Quelles machines sont devenues des icônes sur les champs de bataille ?
Dans la poussière des routes européennes ou sur les étendues glacées de l’Est, certaines motos militaires s’imposent, jusqu’à devenir des images quasi universelles du conflit. La BMW R75, side-car conçu spécifiquement pour l’armée allemande, traverse les pires conditions avec une robustesse qui force le respect. Sa rareté et son coût élevé en font un objet de prestige autant qu’un outil redoutable. Non loin, la Zündapp KS 750 partage la vedette, répondant aux mêmes exigences de flexibilité et d’endurance. Ces deux modèles font figure de pionnières, capables d’acheminer soldats, matériel et même armes lourdes là où les véhicules classiques s’arrêtent.
À l’Est, l’Union soviétique ne reste pas spectatrice. Elle s’inspire de la BMW R71 allemande pour produire la M72. Cette copie, adaptée aux exigences du front russe, s’inscrit dans une logique industrielle de masse. Rapidement, les déclinaisons Ural et Dnepr prennent le relais, équipant les troupes soviétiques dans leur avancée.
De l’autre côté de l’Atlantique, l’armée américaine mise sur la Harley-Davidson WL, surnommée Liberator. Robuste, simple à entretenir, cette moto bicylindre accompagne les troupes alliées de la Normandie à Berlin et symbolise toute la puissance industrielle des États-Unis.
Côté britannique, la palette s’élargit : Norton, BSA, Ariel, Matchless déploient des modèles souvent monocylindres, misant sur la légèreté et l’efficacité. En Allemagne, la DKW NZ350 assure la rapidité des liaisons et l’efficacité sur les terrains les plus exigeants.
Les machines emblématiques de la période sont les suivantes :
- BMW R75 et Zündapp KS 750 : side-cars redoutés, emblèmes de la mobilité allemande
- M72, Ural, Dnepr : modèles soviétiques, pensés pour la production en masse
- Harley-Davidson WL “Liberator” : fierté américaine, fiabilité sans faille
- Norton, BSA, Ariel, Matchless : le choix britannique pour la rapidité et la simplicité
- DKW NZ350 : la réponse allemande aux exigences de la reconnaissance
BMW, Harley-Davidson, Royal Enfield : l’histoire fascinante des modèles les plus emblématiques
Derrière le nom BMW R75 se cache une mécanique de pointe, conçue pour endurer les pires épreuves du front. Son secret ? Une transmission intégrale qui, à l’époque, relève presque de la prouesse. Ce side-car tout-terrain transporte sans faillir hommes, armes et équipements là où bien peu de véhicules s’aventurent.
Outre-Atlantique, la Harley-Davidson WL, surnommée “Liberator”, incarne la fiabilité à l’américaine. Pas moins de 90 000 exemplaires voient le jour pour soutenir l’effort allié. Sa robustesse, sa facilité d’entretien et la simplicité de son bicylindre en V en font un atout de taille. On la croise partout : pour transmettre des messages urgents, transporter des officiers, et même évacuer des blessés.
Côté britannique, la Royal Enfield WD/RE, ou “Flying Flea”, joue la carte de la légèreté. Parachutée derrière les lignes ennemies, elle offre une mobilité inégalée aux troupes aéroportées. Un atout stratégique qui ne doit rien au hasard.
L’histoire ne s’arrête pas là. La DKW NZ350, avec sa conception légère, équipe les unités de reconnaissance allemandes. Les Soviétiques, quant à eux, adaptent la BMW R71 pour forger la M72, qui deviendra la lignée Ural. Chaque moto raconte ainsi une facette du lien entre innovation, tactique militaire et adaptation industrielle.
Des légendes mécaniques qui passionnent encore collectionneurs et amateurs d’histoire
Aujourd’hui, de la France à la Belgique, ces motos de l’armée issues de la Seconde Guerre mondiale sont devenues des trésors pour collectionneurs et musées. Elles incarnent un patrimoine industriel, mais aussi un pan de la mémoire militaire. Vyacheslav Sheyanov, figure reconnue du milieu, préserve une Gillet Herstal dans sa collection personnelle. Cette moto belge, née à Herstal près de Liège, voisine avec des modèles venus d’outre-Manche ou de Russie, tous porteurs de récits d’ingéniosité et d’adaptation, parfois improvisée, sur le terrain.
La BSA M20 fait aussi parler d’elle. Vue récemment chez Potomac Classics à Terborg, elle illustre le lien vivace entre tradition mécanique et culture populaire. Restaurée avec minutie, elle attire autant les passionnés de reconstitutions historiques que les amateurs de lignes sobres et de mécaniques fiables. Richard Busweiler, restaurateur chevronné, s’attache à refaire vivre les Ural et Dnepr, descendantes des mythiques modèles de l’Est, perpétuant ainsi une tradition technique et historique bien ancrée.
Dans les musées français et belges, ces motos suscitent la curiosité d’un public éclectique : chercheurs, passionnés d’histoire, descendants de soldats, mais aussi simples curieux. Les reconstitutions, parfois organisées sur les routes entre Utrecht et Mariembourg, rappellent la capacité d’adaptation de ces engins, aguerris à la boue, à la neige ou à la poussière d’après-guerre. À chaque restauration, à chaque exposition, ces motos prolongent leur empreinte, rappelant que la mécanique laisse parfois des traces plus profondes qu’un simple passage de roue sur la terre battue.


